dimanche 29 novembre 2015

Territoriales 2015, en Martinique.

Misère du politique

Politique de la Misère

 
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Une des neuf listes qui s'affronteront lors du premier tour des territoriales du 06 décembre en Martinique, arbore le tendre label, Martinique citoyenne. Comme une victoire sur le temps politique d'en-Martinique, ce territoire français de la Caraïbe qui n'avait jamais désigné une autorité politique naturelle, ni identifié des intérêts propres. Martinique citoyenne mais ce concept de citoyenneté engageait, en Martinique en tout cas, dans l'idée d'un dépassement des différences sociales, phénotypiques, culturelles et même politiques, un vivre ensemble sans cesse renouvelé. C'est le politique en lui-même qui fait problème en Martinique, les valeurs de responsabilité auxquelles initie la citoyenneté, sont, quotidiennement, chahutées par une classe politique dont la majorité des membres ignore la notion même de calendrier politique. Or, c'est bien le calendrier politique qui validait la pratique d'une évaluation permanente des politiques publiques. Comment pouvait on être citoyen dans un espace politique où il n'y avait jamais d'évaluation des politiques publiques ? Un espace où aucune culture politique n'avait durablement circulé.

12295451_1735515743347046_5080941638671056243_nLa Martinique toute entière s'était émerveillée pour une sous-institution française, une collectivité territoriale unique qu'aucun article sui generis de la constitution française n'avait créée. Une collectivité de dépannage après l'échec patent de la Collectivité d'Outremer régie par le fameux article 74 de la même constitution. La Collectivité Territoriale de Martinique ne disposera pas de compétence politique supérieure au Conseil Général de 1946-1982 ; et, le Conseil Général de 1866-1900 (Marius Hurard et les républicains progressistes) avait exercé des compétences, notamment la fiscalité et l'éducation, bien supérieures aux habilitations annoncées. Nous ne sommes ici, malheureusement, ni dans une évolution statutaire, la Martinique restait le territoire français de la Caraïbe qu'elle avait toujours été, ni dans une évolution institutionnelle, la Collectivité Territoriale de Martinique, régie par l'article 73 (identité législative) de la constitution française, n'aura pas plus de compétence que le Conseil Général de 1946-82. Alors qu'est-ce qui explique cet entêtement, notamment de groupes politiques se réclamant du "patriotisme martiniquais" ou de la "souveraineté politique", à présenter la CTM comme une évolution institutionnelle, un changement politique, une nouvelle citoyenneté, un outil qui, enfin, permettra le développement économique et social, l'épanouissement culturel, et toutes ces douceurs matérialistes jamais éprouvées.
Il faut relire l'article 72 de la constitution française : "Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'Outremer régies par l'article 74. (.../...) Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre...". La libre administration de chacune des collectivités et l'organisation décentralisée (art. I) font qu'aucune des communes de Martinique, Macouba, Ajoupa-Bouillon ou Rivière-Salée, par exemple, ne pourrait être subordonnée à la CTM. Dès lors, une hiérarchie institutionnelle, et plus avant une spécialisation, était impossible en Martinique. Même dotée d'un un pouvoir règlementaire résiduel, cette CTM ne pourrait régir quelques-uns des actes de base et de vie quotidienne d'en-Martinique, du prix de fouyapen ble ou du kilo de bayol, le calendrier des soirée bèlè ou la part de glucides pour 200 millilitres dans une brique de jus de marakudja, passiflora edulis.
Une étude des neuf listes en présence montrerait l'extrême légèreté politique sinon l'incohérence de la plupart de ce qui est présenté comme autant de programmes politiques. Tous rivés sur une hyper-gestion des dotations globales de l'Etat français, pourtant annoncées à la baisse, et tous sans le moindre chapitre cohérent sur l'espace caribéen naturel,  ces programmes n'engageaient que faiblement dans le futur. Les programmes du Gran Sanblé, de EPMN et de Nou Pèp la sont les seuls à montrer une relative cohérence politique et relèvent de choix gestionnaires raisonnés, une maîtrise adaptée de l'espace/temps Martinique ; le programme Ba peyi a an chans est un catalogue de formules éculées, j'ai bien lu "relance de la consommation par la relance de l'activité", un économisme de debi-la-reji. Les cinq autres listes en compétition ne présentent aucune proposition sérieuse en dehors de quelques slogans trop généreux, "Travailleurs et peuples sans voix de Martinique" et "La terre à ceux qui la cultivent". Curieusement, la rubrique dialogue social restait désespérément vide (reconnaissance du fait syndical martiniquais, le 24 Septembre fêté, chômé et payé, former les chefs d'entreprises au dialogue social, etc.) pour des listes conduites par des syndicalistes Mouvement des travailleurs et peuples sans voix de Martinique et Combat Ouvrier ou présenté comme fondateur d'un syndicat dans le roman d'"une traversée verticale", la liste Gran Sanblé. Et puisque les listes Gran Sanblé, EPMN et Nou Pèp la, comptabiliseront au moins 80% des suffrages du premier tour, à moins que la Martinique n'ait encore vieilli, terriblement, on pourra espérer, dans un ultime réflexe gestionnaire, les premières notes d'une évaluation politique, un observatoire local des politiques publiques qui dépasserait le chahut des oppositions politiques.
La coopération internationale et, à un moindre niveau, la coopération caribéenne restaient les points faibles, très faibles, des programmes des trois grands courants politiques martiniquais, le courant de la "responsabilité martiniquaise" (Gran Sanblé), le courant de l'autonomie constitutionnalisée ou autonomie dans l'égalité sociale (EPMN) et le courant de l'alternative sociale et écologiste ou de la conquête d'espaces de souveraineté (Nou Pèp la) ; les six autres listes n'avaient consacré aucune ligne à ces deux chapitres. Nous étions bien dans des programmes politiques hyper-gestionnaires, en coopération étroite avec les services déconcentrés de l'Etat français (Gran sanblé), en représentation française décentralisée (EPMN) et, exceptionnellement, en interdépendance caribéenne provisoire (Nou Pèp la) ; il n'y avait pas ici de place pour un quelconque marronnage institutionnel et/ou politique.
Pou plis Pimpe Isiya

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