La révolution n’a pas commencé, il n’y aura sans doute pas de révolution, qu'une horde d’obscurantistes propose déjà ses gros bras et petites têtes aux maîtres de l’anarchie coloniale intégrée.
En France ou en Guadeloupe et Martinique, des hyper-aliénés, sousèkè universels, affolés par l’ampleur des revendications sociales en Guadeloupe et Martinique s’agitent sur des plateaux de la télévision française, dans les médias traditionnels et électroniques, mettant au grand jour leur manque de culture politique, de culture et d’intelligence. Avec comme seule référence historique l’esclavage euro-atlantique pourtant déstructuré dès la fin du XVIIIe siècle et définitivement aboli au milieu du XIXe, ces néo-négristes qui ne comprendraient même pas qu’on fît référence aux résistances et révolutions antiesclavagistes, sont bien incapables de lire les trois paliers de l’histoire antillaise et reproduisent sans retenue tous les lieux-communs colonialistes du début du XXe siècle, toute la négro-phobie des colons du XVIIIe.
Ici, là-bas, euro-nègres et français tropicaux, hyper-aliénés, de droite et de gauche, parfois doucement d’extrême-gauche, ont commencé à pleurer sur un appel à des Etats-Généraux et l’hypothétique changement qu’ils sont supposés apporter. Les Etats-Généraux sont sensés envisager tous les possibles du monde puisqu’ils doivent réunir tous les acteurs politiques, économiques, culturels, etc. Ils sont donc largement supérieurs à tout aggiornamento administratif, tout aménagement fébrile de l’anarchie coloniale intégrée. Au fond, ils nous rappellent que le but d’un système politique c’est bien l’intégration du système, ce sont des corrections/adaptations incessantes, des réformes, des révolutions parfois. En soixante trois années d’une anarchie coloniale intégrée, strictement pensée pour la plantocratie féodale, aucune réforme politique significative n’a été initiée pour contenir les perversions d’un tel système. Comment pouvait-on (et/ou peut-on) réformer un système de domination politique qui repose sur un jeu cohérent d’intérêts immédiats entre une ethno-classe coloniale et un Etat allogène qui intègre cette ethno-classe par continuité, disons, ethnique ?
Les récents mouvements sociaux de Guadeloupe et Martinique ont montré l’urgence d’un pouvoir politique domicilié. Partout dans le monde, les mouvements sociaux protestent contre la dérèglementation et militent pour un renforcement du pouvoir politique et/ou une domiciliation du pouvoir. Ces mouvements sociaux de Guadeloupe et Martinique qui durent, plus d’un mois dans le premier pays cité et bientôt trois semaines dans le deuxième, nous ont montré l’urgence de profonds changements structurels mais surtout que les solutions sont essentiellement politiques et qu’elles doivent dépasser les petits aménagements et arrangements locaux jusqu’ici envisagés. Au-delà du slogan nationaliste "peyi a se t’an nou…yo pe ke fè sa yo vle/peyi a se ta nou, nou ke foute yo dewò", ce terme de "pwofitasyon", utilisé en Guadeloupe et repris en Martinique, montre bien l’urgence d’un pouvoir politique guadeloupéen et d’un pouvoir politique martiniquais qui rétabliraient des valeurs guadeloupéennes et martiniquaises, respectivement, et pourraient contenir la "pwofitasion", les exactions, juguler l’injustice. Dans les langues de Guadeloupe et Martinique le terme « pwofitasion » traduit une injustice, un abus de pouvoir. "Pwofite", c’est abuser, c’est s’en prendre au plus faible, c’est aller contre la justice, le bien. La langue dit d’ailleurs "pwofite asou", d’où le "nou ke foute yo dewò" du slogan martiniquais. Un messianisme éclairé où les derniers, les abusés, les ankayés seront appelés à être les premiers par quelque ruse de l’histoire. C’est dire que la fin souhaitée de la "pwofitasion" passe par une réappropriation du pays, par un acte politique majeur, une révolution guadeloupéenne ou martiniquaise. Quel outil peut donc permettre cette réappropriation, cet acte politique majeur ?
Dès lors, il s’agit de comprendre que derrière ces revendications se dessinent, à coup sûr, une aspiration à un espace politique guadeloupéen et un pouvoir politique martiniquais dotés de véritables compétences régaliennes. Cette traduction là n’a pas été faîte, des pleureurs et obscurantistes d’ici, là-bas, an tjou man deviran, ont sorti toutes les inepties de circonstance, "l’indépendance n’est pas à l’ordre du jour" pour les plus intelligents des obscurantistes. Ce lieu-commun anodin est aussi l’un des plus ridicules parce qu’il suppose que l’indépendance est une fin en soi, une ligne à franchir, woulo nou rive nou pran yo, un état d’autarcie, un communisme des mornes, une rupture, un trésor arraché sur l’arrogance du monde colonial ou une misère en attente de délicieux petits cailloux. Même les enfants savent que l’indépendance est toujours un idéal politique, sans cesse renouvelé, un travail de rééquilibrage obligé, une péléenne entrée dans le monde. Si tous les pays du monde sont bien interdépendants, c’est bien que l’idéal d’indépendance participe d’un processus de réappropriation et de domiciliation des ressources politiques, culturelles, matérielles, spirituelles, etc. En tant que et pour autant qu’elle est un processus, une réintégration régionale/continentale, l’indépendance n’est-elle pas, de facto, à l’ordre du jour, tous les jours et en tous pays du monde ? C’est donc un processus qui dure toute la vie d’un peuple, d’une nation. Un processus suppose des acteurs, un projet, une/des mobilisations pour accéder aux ressources, des mobilisations contre, des oppositions, bref une action collective, un devenir humain quoi ! Les mouvements sociaux initiés en Guadeloupe et Martinique s’inscrivent pleinement dans cette action collective là. Ils mobilisent en vue d’un accès aux ressources matérielles, politiques, culturelles, et même spirituelles. Ils ont ouvert de nouveaux espaces de paroles qui nous rassemblent, qui prendront, à coup sur, le "serrage" de la violence intra-communautaire et replaceront le politique au centre de la vie quotidienne puisque les problèmes de tous les jours sont des problèmes politiques.
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