Il n'y a donc personne au Parti Progressiste
Martiniquais (PPM) ou, à défaut, Ensemble pour une Martinique
Nouvelle (EMN), ou, plus largement, dans le monde politique et intellectuel
des français d'en-Martinique, pour expliquer au président du PPM, monsieur Serge
Letchimi, l'insignifiance du slogan politique d'une "autonomie dans
l'égalité sociale". Personne pour faire comprendre l'hyper
incongruité, voire le ridicule, dans la revendication d'une "autonomie
constitutionalisée pour la nation martiniquaise".
C'est que ce postulat d'une nation martiniquaise
déborde de facto la revendication autonomiste telle que claironnée
par le PPM depuis 1967 et, plus avant, toute revendication autonomiste dans le
cadre d'un article de la constitution française ; articles 72, 73, 74, 76 et
même l'article 78, mort-né du congrès de Versailles, en 2008. La France est un
Etat unitaire décentralisé (article premier de la constitution française), toute
autonomie dans cette constitution là ne pourrait être qu'administrative et ne
peut être supérieure au régime 74, tel qu'il est rédigé aujourd'hui. Cet article
74 (constitution de 1958) donne le pouvoir politique aux services déconcentrés
de l'Etat français et ne distribue que quelques unes des compétences
non-politiques et sociales, tellement falotes, aux collectivités territoriales.
Il est quand même largement supérieur à cet article 73 (constitution de 1946),
dorénavant administrativement obsolète en Guyane et Martinique, préconisé par le
président du PPM, lors de la consultation populaire et la catastrophe politique majeure du 10 Janvier 2010. "La
troisième voie" avait alors, malicieusement, tourné au statut quo
et à cette pateline affirmation d'un régime d'identité législative qui a
conduit, en Martinique, à la catastrophe politique, culturelle, économique et
sociale, démographique, peut-être même humaine, que l'on sait. L'"autonomie
dans l'égalité sociale" est une de ces inepties, toutes PPM, qui ne
dépassent en rien le régime d'identité législative d'avant la révision
constitutionnelle, euh... française, de mars 2003 ; pérenniserait la catastrophe
départementaliste et frapperait les générations martiniquaises futures
d'indignité politique directe sur le modèle hyper aberrant de la Réunion d'une
intangibilité constitutionnelle.
La nation est un continuum historique mais
l'histoire, elle seule, ne suffit pas à caractériser une nation. Inaliénable et
indépassable, elle ne peut être sans la permanence d'un idéal politique,
l'indépendance nationale qui elle, dépasse, bondamannimanman, les
apprentis politiciens d'en Martinique, y compris ceux des "indépendantismes
institutionnels". La nation suppose un Etat, en tant et pour autant qu'il est
l'organisation politique sui generis qui projette le peuple, refroidit,
durablement la violence intra-communautaire, mobilise le peuple sur le devenir ;
autrement l'on tomberait dans un verbiage essentialiste et/ou raciste, la
"population noire", le "petit peuple créole", la "maladie
des noirs", "tous nés en 1848", le "gwo lolo des noirs",
la "koukoun-chatrou des chabin zie-klè", les "noirs qui ne
lisent pas", "l'intelligence débordante des chaben", la "fainéantise démontrée
des kouli", "la perversion des pòpòt-lacho", etc. La revendication d'une
nation martiniquaise est une revendication politique, elle ne peut être portée
que par des indépendantismes non institutionnels, PKLS, MPREOM, KLNM,
Gawoule, Kt-Kz, et toutes ces organisations politiques qui s'échinent à
construire une organisation politique martiniquaise souveraine. Or, le PPM, même
s'il avait compté une importante frange "indépendantiste" dans ses rangs d'avant
le moratoire du 29 mai 1981, est historiquement le parti le plus, résolument,
anti-indépendantiste d'en-Martinique. Il faut relire le discours dit
"Discours des trois voies et des cinq libertés", Aimé Césaire le 24
février 1973 ; il faut relire, également, cette interview de Camille Appoline
Darsières, alors secrétaire général du PPM, "le parti est contre
l'indépendance", dans une des éditions de l'année 1992 de l'hebdomadaire
Antilla, je cite de mémoire. Cette périphrase n'était pas anodine,
elle renvoyait à l'identité et l'histoire même du PPM, "réussir à allier
notre double souci de rester liés à la France et d'être de bons
Martiniquais", un parti résolument anti-indépendantiste qui, gardien
politique de l'escroquerie départementaliste, n'avait jamais contesté, sans
doute par insuffisance politique caractérisée, la domination interne (le
maintien et la mainmise de l'ethno-classe féodale dans et sur la "vie
martiniquaise") et s'était fait le relais naturel de la domination externe, la
stérilisation de tout renouvellement politique, par la dissolution de ce "peuple
martiniquais et caribéen" dans une population française, puis européenne,
outremer et tellement exotique, an tjou man deviran.
"Parti nationaliste, démocratique et
anticolonialiste, inspiré de l'idéal socialiste", le PPM n'avait bricolé,
pour tout programme politique, qu'un tapi-mandjan régionaliste,
"transformation de la Martinique en région dans le cadre d'une union
française fédérée", sans aucune compétence politique ni sociale, lors de
son 3ème congrès, en Aout 1967. En fait, c'était un coller-copier du
schéma crypto-autonomiste de février 1960, sur le modèle des régions italiennes,
élaboré prestissimo par le Parti Communiste Martiniquais
(PCM) de l'époque, tout frais émancipé de la tutelle communiste française, suite
à l'insurrection politique de Décembre 1959. Une autonomie administrative, bien en-deçà
du modèle d'autonomie fiscale du Conseil Général de Martinique de 1866 à 1900,
dont les républicains progressistes de Martinique à la fin du 19ème
siècle avaient dénoncé les insurmontables limites, et qui, régime 73 ou 74
d'aujourd'hui, enfermerait davantage la Martinique dans cette économie de
comptoir dont la fin est annoncée depuis le mitan du 20ème
siècle ; et le retour à cette toute-puissance politique d'un gouverneur
français. La gestion de la crise de l'épandage de pesticides par voie aérienne
validerait l'échec politique futur de toute autonomie administrative en
Martinique, articles 72, 73, 74, 7... "autonomie dans l'égalité
sociale", ba'ay djendjen. Autrement, l'"autonomie
constitutionnalisée" condamnerait les générations futures de Martinique à
errer dans un no man's land institutionnel, chaque changement politique
impulsé en France bouleverserait, en profondeur et durablement, les enjeux
politiques, économiques et sociaux, culturels d'en Martinique. Une autonomie
politique, étape vers l'idéal politique d'indépendance nationale, qui jetterait
les bases d'un Etat martiniquais, totalement intégré dans l'espace caribéen et
latino-américain, garderait ouvertes des portes d'un devenir euh...
martiniquais.
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