Quelque part dans les colères de jadis, « un soleil cou coupé » composait comme un écho aux errements des « zanndoli-latje-koupe » qui hantent les couloirs muets de l’histoire. Anolis carolinensis et anolis oculatus, les « zanndoli-latje-koupe », gobent les mouches dans des frétillements au plaisir des barbelés que l’impatience d’un kabouya prend à la gorge. Le poète, plus que jamais fossile ou « jouet sombre au carnaval » des boutiquiers d’un césairisme décadent et déjà poussiéreux. Car enfin, cette petite phrase du Nègre fondamental " Nous avons besoin de vous car c'est grâce à vous que nous survivons", concentrait tout le ridicule nègre, d’en temps la coloniale triomphante.
Le premier ministre français était venu donner le la d’un aggiornamento administratif, murmuré depuis un demi-siècle, outre-mer, et sur lequel, les populations de la Guadeloupe et de la Martinique avaient lourdement buté (le « chat an sak » du grand militant progressiste de la nation martiniquaise, feu Camille), le 07 décembre 2003. Colonisées, comblées et fébriles, les populations de ces deux pays déroulent systématiquement une liste de revendications matérialistes et pompeuses devant chaque ministre ou sous-ministre français de passage. Les peuples, guadeloupéen et martiniquais, définitivement épuisés ou abasourdis par ce délit de lèse-politique et, plus loin, de lèse-humanité, ne savent plus quels tambours cogner. Tambours djouba et tambours n’goka, tambours de-bonda et tambours djenmbe, tambours « dibas » et tambours bambou, les tambours conjuguent l'humanité à l'infini. Un délire euro-negro-créolo-débile que vomissent chaque jour Catherine, Joseph, Monique, Serge et d’autres sur les écrans de la télévision publique, a couvert les tambours, tous les tambours, du devenir guadeloupéen et martiniquais, et jeté la jeunesse de ces deux pays dans une souffrance politique, sociale et culturelle, chaque jour sans limites. Seule la « France continentale » (c’est avec cette expression tellement insane qu’une kouli-teson, de la télévision antillaise entreprend l’information locale) semble renvoyer à une réalité, toujours en décalage.
Les partis dits socialistes et progressistes, guadeloupéens et martiniquais, croquent, à pleines dents, dans cette dérive matérialiste ; des âmes en perdition, l’extase des ventres pleins, on y solde même les nègres fondamentaux. Attelée à la faible culture politique caribéenne des contestataires d’hier (surtout les autonomistes), la départementalisation a modelé un super koutja antillais (la langue française dirait un « beauf ») qui entend relayer tous les euro-fantasmes, bleus d’un regard étranger, d’autant et pour autant que, entrepreneur sans le sou ni le cerveau, il ne contrôle rien. Elle a aussi façonné une dérive sociale et politique, qui compte tenu des lacunes de l’élite locale, a épuisé, peut-être définitivement, toutes les solidarités traditionnelles caribéennes en Guadeloupe et Martinique et jusqu’aux capacités de renouvellement des ressources naturelles, sociales, politiques, humaines, culturelles et matérielles qui auraient permis de sortir de cette régression politique et humaine. Plus loin, elle a condamné, à une errance programmée, mendiants de l’humanité et agents pathétiques du préjugé de couleur (l’idéologie coloriste en est la version moderne), la majorité des populations guadeloupéenne et martiniquaise, celles qui n’avaient pas pour seuls ascendants, des européens.
Quels paradigmes sociopolitiques peuvent éclairer les pistes d’une réflexion sur l’incapacité d’une telle société à produire un changement social et politique ? Quelles méthodes adopter pour établir un bilan des dégâts humains, culturels, politiques et sociaux de la départementalisation ? Quelles actions politiques encourageraient un renouvellement, même partiel, des ressources naturelles, humaines, culturelles des deux pays ? Quels nouveaux espaces politiques peuvent permettre de profiter au mieux de l’américanisation (ou caribéanisation) de l’économie et de la culture, dans cette région ?
Le développement durable de l’économie et de la culture passe par une dignité suprême qui dépasse les aggiornamentos administratifs, les statuts à la carte, les assemblées régionales unifiées, DOM, TOM, POM, ponm-tè, ponm-dlo, ponm-yann, ponm-kannèl, ponm-lawda, etc. C’est le politique qui commande l’économie, retissant chaque jour le lien social, travaillant de nouvelles sociabilités, de nouvelles solidarités, parfois même des styles de vie intime, des valeurs et normes qui unissent la communauté des opérateurs de marché. C’est le politique qui peut raisonner (fòk te ke fè sa brile mwen) le béké mercantiliste qui vend une bougie ou une tête de laitue pourrie dix euros cash, aux lendemains d’un ouragan. Les seules compétences politiques ne sont plus suffisantes pour entreprendre l’ouvert-monde qui ne compose qu’avec des pouvoirs politiques intégrés. C’est que les solutions, aujourd’hui, demain, sont aux quatre coins du monde et commandent une interdépendance désormais incommensurable et irréversible.
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